LE GOUT DES AUTRES



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 Après 4 scénarios qu’ils ont confiés à divers réalisateurs (Cuisine et Dépendances, philippe Muyl, 1992 ; Smoking/ no smoking, Alain Resnais, 1993 ; Un Air de Famille, Cédric Klapisch, 1995 ; On connaît la Chanson, Resnais, 1997), la cinquième histoire qu’Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri ont écrit ensemble marque les débuts d’Agnès en tant que réalisatrice. Elle se retrouve en terrain familier, avec des histoires simples et des personnages attachants, mais ne doit cette fois-ci pas se contenter de les écrire, elle doit également leur donner des images. Sa manière de mettre en scène s’accorde avec le récit, en étant à la fois discrète et agréable. Le point de vue qu’elle offre au spectateur n’est pas stylisé mais est une fenêtre sur des personnages ; personnages qui emplissent le cadre et nous présentent chacun leur histoire, lesquelles se croisent et s’attirent parfois. Agnès Jaoui fait la part belle aux acteurs, et le fait qu’elle soit elle-même comédienne n’y est probablement pas pour rien.

Les portraits qu’elle nous offre sont d’autant plus intéressants qu’ils sont incarnés par de très bons acteurs qui donnent une très grande densité à leurs personnages. La qualité de ces comédiens réside dans le fait qu’ils font exister les personnages tout en restant très discrets : les sentiments de Castella (Jean-Pierre Bacri) pour Clara (Anne Alvaro) ne sont pas étalés, mais sont prouvés par le simple regard qu’il lui porte ; et Moreno (Gérard Lanvin) se demande toujours s’il a fait le bon choix sans jamais l’exprimer ouvertement. Le Goût des Autres est un film d’acteurs, lesquels ne se contentent pas de dire leur texte, mais en font ressortir les qualités par leur façon de parler, leur façon de bouger ; ils donnent l’impression de ne pas être acteurs, mais d’être réellement les personnages qu’ils incarnent, et c’est là une des grandes qualités du film.

La densité des personnages provient du très bon travail des acteurs mais aussi de la justesse et de la finesse de l’écriture. Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri traitent encore une fois des relations humaines, complexes et fragiles. Castella est un chef d’entreprise beauf et morose qui tombe sous le charme d’une actrice qui ne le lui rend pas ; Moreno est son garde du corps et entretient une relation avec Manie (Agnès Jaoui), une serveuse de bar qui a elle-même couché avec Deschamps (Alain Chabat), le chauffeur de Castella. Le couple de scénaristes exprime la difficulté de créer des relations et de les entretenir. Castella souffre de la solitude, Moreno a du mal à faire confiance aux autres, Deschamps est trop naïf... Jaoui et Bacri traitent également de l’hypocrisie et de la méchanceté inhérentes à la société, et démontrent l’absurdité du jugement trop rapide.

Bien que tout ceci puisse paraître rébarbatif à certains, il faut bien préciser que la finesse du propos alliée à une dose efficace d’humour permet à Agnès Jaoui de réaliser un très bon film. Même si le sujet n’a pas grand-chose d’original, la manière dont il est traité fait du Goût des Autres un très bon film, qui est un exemple de ce qui peut se faire de mieux dans le cinéma français ; c’est du cinéma d’auteur, mais dépouillé des artifices intellectuels qui le plombe parfois, et servi par une distribution qui s’accorde agréablement avec le scénario. Bref, une grande réussite. Et si Agnès Jaoui décide de faire un deuxième film, tant mieux. Et si Jean-Pierre Bacri décide d’en réaliser un premier, tant mieux aussi.

Didier Tasinato 

d_tasinato@hotmail.com  


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